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Jour 34 - Mercredi 15 Août - Part III

La Centrale de Tchernobyl

Voilà le monstre. Autant vous dire que ça fait curieux de le voir en vrai après en avoir entendu parler pendant 30 ans... Je ne vais pas perdre de temps a décrire l'accident survenu à 1h23 du matin le 26 avril 1986, des centaines de sites relatent ça parfaitement. Je préfère vous donner des éléments moins connus que Serj a eu la gentillesse de bien vouloir me communiquer... Attendez vous à apprendre certaines choses étonnante !

Description technique de l'image pour commencer. Vous avez au premier plan le canal de refroidissement de la centrale (et non la rivière Pripiat comme je l'ai souvent lu) et derrière 4 réacteurs nucléaires. De droite à gauche repérez d'abord deux fois six ou sept petites colonnes blanches : Il s'agit des réacteurs 1 et 2, les plus anciens puisque mis en service en 1977. Puis vous avez un batiment avec sa propre cheminée accolé à une structure en métal : C'est le réacteur 3 mis en service en 1981. Enfin la structure métallique. C'est la fameux sarcophage qui recouvre le réacteur 4 mis en service en 1983, celui qui a explosé en 1986. Deux autres réacteurs étaient en cour de construction, les réacteurs 5 et 6, j'y reviendrais. Toute cette zone a été particulièrement décontaminée et même si le taux de radiation est trop élevé pour y vivre, il reste tout à fait anodin pour qui visite quelques heures l'endroit.

Nous suivons une voie ferrée qui s'enfonce dans la forêt et très vite on distingue le haut d'une tour de refroidissement. À part, de temps en temps, un symbole « radioactif » sur un panonceau et l’aspect curieusement désert et hors du temps des lieux, rien n’indique que nous sommes dans un des endroits les plus contaminés du monde. Enfin rien à part mon compteur Geiger qui commence à se manifester. 144 CPM... C'est 10 fois la valeur de la maison. Le chiffre n'est cependant pas plus inquiétant que ça quand on sait pourquoi il y a de la radioactivité ET qu'on ne va pas camper là pour la nuit.

On pénètre dans la tour de refroidissement du réacteur 5 et on passe la barre des 300 CPM, 6 fois la dose maximum considérée comme non dangereuse (pour qui reste là longtemps). On va pas s'attarder, juste le temps de faire le tour de la structure. Le pire c'est que ce réacteur n'a jamais tourné puisqu'il n'était terminé qu'à 90% au moment de la catastrophe. Mais il s'est pris pas mal de débris et n'a pas été particulièrement décontaminé puisque personne n'est censé être assez bête pour venir faire du tourisme ici !

La tour de refroidissement a pour mission unique de refroidir de l'eau chaude. Elle n'a aucune autre fonction... mis à part de fabriquer des nuages ! En passant dans un circuit bien spécifique à la base de la tour de refroidissement, l'eau qui a servi à refroidir le réacteur va être rafraîchie à son tour. Quand elle aura atteint une température acceptable, elle sera réinjectée dans le circuit de l'usine, pour pouvoir à nouveau refroidir les pièces de friction. C'est parce qu'on injecte de l'eau très chaude dans la tour qu'il y a toujours ce grand panache de vapeur, ce n'est pas de la fumée de feu mais juste du nuage. Les tours sont hautes pour éviter que la vapeur soit renvoyée sur les constructions proches. Autrement, la tour pourrait être basse - bien que la hauteur fait appel d'air et donc ce n'est pas plus mal, ça permet à la vapeur de s'évacuer sans mise en place de ventilation forcée. A l'opposé de notre point d'entrée, il y a une grande fresque. Je sais pas combien de temps il faut pour dessiner ça mais franchement... je l'aurais pas fait à cet endroit !!!

Nous continuons vers le chantier de construction du réacteur 6. Il est temps de vous donner quelques faits surprenant que j'ai appris sur place. Beaucoup de gens (moi avant, vous sans doute...) pensent que la Centrale de Tchernobyl à terminée sa carrière le 26 avril 1986... mais non ! À la suite de l'accident, les trois réacteurs restants furent arrêtés, car le site était hautement contaminé par les radiations. Cependant, après un nettoyage à l'intérieur de la centrale et aux alentours, les réacteurs 1, 2 et 3 furent redémarrés à la fin de l'année 1986 !!! Le réacteur 2 subit un accident nucléaire le 11 octobre 1991, à la suite duquel il ne fut pas redémarré en raison du coût élevé des réparations. Le réacteur 1 fut définitivement arrêté en novembre 1996. Le réacteur 3, qui était le dernier réacteur encore en service à la centrale, fut arrêté définitivement en décembre 2000. Les ruines du réacteur 4 resteront radioactives pendant les millénaires à venir. Le plutonium 239, qui est l'un des éléments radioactifs présents à l'intérieur du réacteur, a une demi-vie égale à 24 200 ans. Aujourd'hui, le réacteur nécessite toujours une surveillance constante.

Rapide visite de l'intérieur du Réacteur 5 qui était presque terminé. Autre fait peu connu, la catastrophe aurait pu être bien plus grave. En effet quelques jours après l'accident, quand il a fallu évacuer la ville de Pripiat, on pensait avoir atteint le pire du pire... Mais rapidement les scientifiques soviétiques se sont rendus compte qu'il se passait "un truc" au coeur du réacteur. La bête s'emballait et commençait à s'enfoncer dans le sol. Il a fallu creuser des galleries de toute urgence sous le plancher du réacteur et intervenir dans des conditions dantesques. Les radiations provoquaient des pannes sur les machines, la seule solution fut donc d'envoyer... des humains, les fameux liquidateurs. Pas le temps de créer de nouvelles machines ou de trouver un plan B, à tout moment le coeur aurait pu exploser au contact de l'eau des sous sols, entrainant les 3 autres réacteurs dans une réaction en chaine. une explosion estimée à mille fois Hiroshima, de quoi raser Kiev et Minsk. Toutes les capitales d'Europe de l'Est n'aurait plus été viables et même en Europe de l'Ouest ça n'aurait pas été la joie... Et au lieu d'en faire des héros, quand l'URSS a sombrée personne n'a voulu entendre parler des liquidateurs, ces gens qui nous ont tous sauvé et qu'on laisse crever dans l'anonymat le plus total...

On termine par le sarcophage. La démesure de la nouvelle enceinte de confinement est à la mesure de la catastrophe : 108 mètres de haut, 162 mètres de long, 257 mètres de portée, de quoi mettre sous cloche la statue de la Liberté. Construite par les groupes français Vinci et Bouygues, associés au sein du consortium Novarka, pour un coût de 1,5 milliard d’euros majoritairement financé par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et par l’Union européenne, l'arche a été construite à une centaine de mètres du réacteur puis a glissée sur des rails au-dessus du vieux sarcophage.

Et maintenant ? A l'ouest on parle retraitement et de déconstruction à l’abri de cette voûte inoxydable conçue pour résister cent ans au froid, au chaud, aux tornades ou aux séismes. Localement on est plus réaliste... « Combien de temps prendra le démantèlement ? Un siècle ? Deux siècles ? Nul ne peut le dire aujourd’hui », confie Sergei Bozhko, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire ukrainienne, qui, depuis son bureau de Kiev, veille aussi sur les quatre autres centrales atomiques du pays. A terme, pense-t-il, les déchets de leurs quinze réacteurs seront centralisés dans la zone de Tchernobyl, plutôt vouée à devenir un gigantesque cimetière radioactif.